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Démantèlement «Il ne faut pas rater ce train qui pourrait ré-industrialiser la France»

Rencontre avec Gilles Fournier, Secrétaire Général Adjoint de la CFE-CGC CEA, notre correspondant au sein de la filière nucléaire CFE-CGC Métallurgie. Il consacre aujourd’hui également son temps de responsable de la section syndicale de Marcoule au soutien de projets humains.

Gilles, ce marché en expansion ouvre-t-il des perspectives dans le cadre de la réindustrialisation de notre pays ?

La France dispose d’une véritable expertise technique en la matière. Cela tient à ses recherches sur le recyclage des matières radioactives, mais aussi à l’expérience acquise. Pour autant la filière est encore peu organisée. Les voies d’innovation sont nombreuses : en visionique et en investigation, en robotique et en découpe de pièces de grande dimension, en décontamination, en tenue des matériaux, en nucléarisation d’engins traditionnels…
Sans oublier que le démantèlement n’échappe pas à la transformation numérique dictée par l’accroissement des données à traiter, par l’utilisation accrue d’outils digitaux… et par la nécessité impérative d’interconnecter dans un même « système » ces différentes technologies et sources d’informations, dont l’introduction conduira à de véritables ruptures entrainant des gains de performances indispensables.
Dans le nucléaire, ainsi que dans les nouvelles technologies de l’information, il apparaît indispensable de les structurer dans une filière du « French DEC » (déconstruction ou decommissioning en anglais). 80 % des retombées bénéficient à l’industrie nationale, offrant ainsi des perspectives intéressantes.

Pour le CEA, que se passe t il ?

En tant qu’exploitant nucléaire le CEA est responsable du démantèlement de ses installations et de la gestion des déchets qui en sont issus. Avec 22 installations concernées, il représente les deux tiers des installations françaises en cours de démantèlement. Mobilisant plus de 1000 salariés du CEA, et plus de 2000 salariés d’une trentaine d’entreprises prestataires. Ces activités se déroulent dans une variété d’installations sans équivalent chez les autres exploitants : réacteurs expérimentaux, laboratoire de chimie, station de traitement des effluents et de déchets. Cela confère au CEA et à ses partenaires une expertise unique dans les domaines du management de projet, de la gestion optimisée des déchets, de la réhabilitation des bâtiments et des sols, ainsi que de la R&D associée à ces différents sujets.

Pourquoi entend-on souvent parlé de Marcoule comme un centre vitrine du démantèlement ?

C’est le Centre de référence dans le domaine avec un programme sans équivalent par son ampleur. C’est sur ce site qu’ont été construits le premier réacteur électronucléaire français (G1) et la première usine de traitement des combustibles usés (UP1). Dans ce contexte, le CEA s’est engagé fin 2016 dans une démarche de priorisation de ses opérations d’assainissement démantèlement, destinée à contenir durablement la dépense dans l’enveloppe annuelle de 740 millions d’euros.
La stratégie du CEA est détaillée dans un plan glissant de démantèlement à 10 ans (PMLT) piloté depuis la Direction générale du CEA. Ce plan est mis en œuvre via une organisation qui privilégie des circuits décisionnels courts, L’ensemble des équipes sont à pied d’ouvrage sur un même centre.

Quelle est la position de la CFE-CGC :

Malgré tout, nous considérons que l’organisation mise en place n’est pas optimale et que le CEA devra optimiser fortement ses processus internes, afin de fluidifier ses actions et de se rendre plus agile, s’il ambitionne de diminuer les coûts de structure qui grèvent largement les budgets et pèsent sur l’adaptabilité des équipes aux aléas des chantiers.
A cet égard, la CFE-CGC estime que, en dépit de leur volume, les moyens humains affectés à l’enjeu national qu’est le démantèlement sont encore mal dimensionnés. En particulier, l’équilibre sous traitance/moyens propres n’est pas encore optimal. Le CEA devra clarifier son rôle, préciser ses métiers stratégiques et critiques et optimiser le positionnement de sa sous-traitance. Il en va de la sûreté, de la sécurité, de l’environnement, mais aussi de la science appliquée et de la diffusion des connaissances, qui figurent au rang des missions régaliennes du CEA.

Finalement, pour la CFE-CGC, il appartient à l’Etat de clarifier sa stratégie en matière d’assainissement démantèlement et de définir clairement le rôle et les missions de chaque Exploitant, dont le CEA, afin de transformer cette activité – surtout vue aujourd’hui comme un centre de coût – en une source majeure de développement de richesses et d’opportunités de transformations, tant technologiques qu’humaines.

Démantélement, de quoi parle t-on ?

Le terme de démantèlement couvre l’ensemble des activités techniques et administratives réalisées après l’arrêt définitif d’une installation nucléaire, en vue d’atteindre un état final prédéfini où la totalité des substances dangereuses et radioactives a été évacuée de l’installation. Il s’agit d’opérations très diverses, souvent de longue durée et mettant en œuvre des procédures, des équipements et des métiers différents de ceux de l’exploitation.