Rencontre avec Maxime Legrand (militant au sein du SNB CFE-CGC), secrétaire général de la Confédération européenne des cadres (CEC), la voix de l’encadrement en Europe.
Agé de 41 ans, natif du Pas-de-Calais, Maxime Legrand a validé des études d’économie à Lille avant de passer un diplôme d’études approfondies (DEA), option Espace européen économique et social. Une première indication de sa vocation à brasser les questions syndicales à l’échelle européenne. Il a débuté sa carrière dans la banque puis a suivi un parcours syndical qui l’a conduit, en septembre 2011, à devenir le représentant syndical du SNB pour le comité européen du groupe BNP Paribas. Puis, en 2013, référent européen pour la FECEC, la fédération européenne des cadres des établissements de crédit, membre de la Confédération européenne des cadres (CEC).
En mars 2018, sur incitation de François Hommeril, président de la CFE-CGC, Maxime Legrand pose sa candidature au poste de secrétaire général de la Confédération européenne des cadres. Elu en mai dernier parmi sept candidats, pour trois ans, il fait le point sur les missions et les projets de la CEC.
Vous avez été élu en mai dernier secrétaire général de la Confédération européenne des cadres (CEC), la voix de l’encadrement en Europe. En quoi consiste cette organisation ?
La CEC est un des six partenaires sociaux reconnus officiellement comme interlocuteur de la Commission européenne. Elle est partie prenante, par exemple, du sommet social tripartite qui réunit deux fois par an syndicats, organisations patronales et institutions de l’Union européenne (UE). Concrètement, c’est une organisation qui réunit des confédérations nationales, dont la CFE-CGC pour la France, des associations nationales de cadres dirigeants et des fédérations sectorielles, dont la Fédération Européenne des Cadres des Établissements de Crédit (FECEC) qui est, si je puis dire, mon corps d’origine puisque je suis salarié de BNP Paribas et que je la représente au sein de la CEC. Le but de la CEC est de faire remonter les problématiques de ses membres au niveau européen et en particulier de défendre et de promouvoir l’encadrement à Bruxelles.
Quels sont vos axes de travail et vos projets ?
Il y a forcément au cœur de nos préoccupations la question de la représentativité. Entre autres, déterminer quelle est la place de la CEC par rapport à la puissante Confédération européenne des syndicats (CES) et ses membres qui aimeraient parfois – je le dis en toute amitié – signer des accords seuls. Ou encore comment faire en sorte que nos fédérations soient admises dans tous les cercles de concertation. Nous avons une stratégie sur trois ans qui passe par le recensement de leurs priorités et l’établissement d’une feuille de route. Comment intensifier notre présence dans les comités européens des grandes entreprises ? Il y en a plus de 1 500 en Europe : il nous faudra les recenser et faire une sorte d’étude de marché. Nous travaillons aussi à la réforme de nos statuts pour simplifier le processus démocratique interne, se focaliser sur l’essentiel, gagner en réactivité et pouvoir mobiliser davantage les expertises de nos membres.
- « Nous militons pour une directive européenne intégrant les responsabilités multiples des cadres »
Si l’on déplace le projecteur sur un cadre français dans son travail, à quoi peut bien lui servir la CEC ?
Je vais vous donner deux exemples. Le lanceur d’alerte (whistle blower en anglais). Pour des raisons éthiques et sociétales, beaucoup de cadres sont en questionnement sur ce sujet. Or un cadre tient un rôle particulier : il doit préserver les intérêts de son entreprise, détecter et lutter contre ses dysfonctionnements ; et, en même temps, il est au cœur du système puisqu’il fait partie de ceux qui en créent les normes, avec parfois des règles du jeu différentes au sein-même de l’Union. Nous militons donc pour qu’une directive européenne intègre ces responsabilités multiples.
Autre sujet : la mobilité. Des jobs quittent la France et la Belgique vers des pays du sud. Nous pourrions imaginer un « Erasmus des cadres » et être capable d’imposer à une entreprise qui délocalise de créer des postes de cadres dans le pays cible, aux conditions financières et sociales du pays de départ. Voilà un dossier sur lequel nous travaillons afin de construire l’Europe de demain.
Un mot sur les élections européennes, prévues du 23 au 26 mai 2019. La CEC va-t-elle s’impliquer ?
La CEC est apolitique et ne va évidemment pas appeler au vote pour tel ou tel candidat. Mais nous devons sensibiliser nos cadres à l’importance de l’Europe. Nous sommes en train de vivre un gâchis européen sous la poussée des extrêmes. Si une majorité de députés nationalistes est élue au Parlement européen, cela peut avoir des conséquences lourdes pour le management. Ces candidats n’ont pas la même vision du dialogue social et des aspects humains de la vie en entreprise que celle de la plupart des députés actuels. Il est probable que nous allons challenger les candidats sous forme de manifeste, mais ce n’est pas encore défini. Plus largement, un cadre est un influenceur. Un million de cadres peuvent donc influencer plusieurs millions de personnes. Nos dirigeants ne peuvent pas agir sans écouter la voix des cadres.