Comité National du 19 mai 2020
CONTEXTE
Pendant cette crise sanitaire inédite, les élus ont proposé d’être associés à la construction des PRPA (demande faite lors du CN du 10 avril, juste avant les deux semaines de congés). C’est notre conception du dialogue social et notre pratique de l’intelligence collective. L’association des Représentants du Personnel est le gage d’un sujet débattu, argumenté et consolidé. Notre demande n’a reçu une réponse favorable qu’après la parution du décret du 3 mai qui a rendu la consultation des élus obligatoire. Nous ne vous interrogerons pas sur l’ombre tutélaire de cette directive, nous préférons insister sur l’intérêt d’associer les salariés et leurs représentants au bon moment, surtout en temps de crise.
Toutes les directions de centre ont répondu aux questions et fait évoluer leurs PRPA qui s’avèrent bien documentés. Les deux semaines de dialogue supplémentaire par rapport à la date initiale du 11 se sont révélées utiles et constructives, tout simplement nécessaires.
Nous allons sortir d’un confinement de deux mois et nous devrons en tirer de nombreux enseignements. Les Plans de Continuation de l’Activité ont permis d’assurer nos missions essentielles grâce à l’engagement de l’ensemble des salariés, dont plus des ¾ en télétravail (environ 15 000 salariés). Le CEA a également maintenu les salaires évitant d’ajouter des incertitudes financières à une période déjà inquiétante. Les élus en remercient la Direction.
Les élus soulignent également l’implication, dans ce PCA, de tous les salariés présents sur site et notamment nos supports, avec de nombreux sous-traitants, qui ont rendu tout cela possible à l’image des « premiers de corvée » dont l’utilité sociale est devenue éclatante. Les élus souhaitent que ces salariés ne soient pas oubliés trop vite. Une prime serait un bon début de reconnaissance, mais il faudra très vite leur donner les moyens de remplir leurs missions, surtout avec des effectifs suffisants.
UNE REPRISE PROGRESSIVE
Le PRPA marque donc la première étape du déconfinement, toujours sous la priorité sanitaire absolue pour qu’aucune de nos installations ne devienne pas un cluster. Nous l’affirmons tous, élus comme Direction Générale, mais dans les actes, la pression des programmes et des jalons est parfois trop forte et peut reléguer la sécurité à l’arrière-plan. C’est un principe dont le plan n’est pas allé au bout des conséquences. Les élus demandent que les jalons ne soient pas invoqués le temps de la reprise progressive. Les élus demandent également que ces jalons soient très vite réévalués pour être compatibles avec les retards accumulés et nos capacités réduites tout le temps que le CEA sera en fonctionnement dégradé.
Les salariés indispensables au redémarrage des installations seront les premiers à revenir, dans la limite des capacités d’accueil de chaque installation et de leurs aménagements. C’est cette capacité qui va augmenter progressivement sans pouvoir atteindre l’effectif nominal. Cette limitation de la distanciation va durer le temps de l’épidémie dont personne ne peut prédire la durée.
Les élus constatent la pérennisation du télétravail qui est la principale mesure pour compenser cette limitation mais nous attirons l’attention sur cette population. Il n’a jamais été prévu de télétravailler en continu pendant des mois et ce n’est pas souhaitable de faire perdurer le confinement des télétravailleurs.
Les télétravailleurs ne sont pas prioritaires dans les PRPA, cependant les élus demandent qu’une journée leur soit allouée au plus tôt pour et aussi pour prendre du matériel et leur permettre d’améliorer leurs conditions de travail à domicile. Pour la suite, il faudra trouver le bon équilibre entre présence sur site et télétravail pour chacun sans qu’il puisse être inférieur à 1jour/semaine.
De plus, les élus recommandent que l’accord QVT incluant le télétravail fasse l’objet d’une révision qui devra inclure le REX de cette crise. Celui-ci pourrait intégrer des dispositifs de gestion de crise et éventuellement un paragraphe spécifique à la DAM compte tenu de la particularité des affaires qui y sont traitées.
Comme à chaque fois, les managers de proximité seront fortement sollicités entre la gestion des présents mais également des salariés en télétravail. Un allègement d’autres tâches est indispensable. Plus généralement, le REX post COVID devra réviser nos procédures internes à l’aune du nécessaire et pas forcément du plus que parfait.
Les personnels précaires ont été pris en compte pendant le PCA. Il faut maintenant faire un bilan avec chacun et statuer sur leur prolongation de contrat. C’est un sujet particulièrement sensible pour les thésards et les post-doctorants.
L’AMENAGEMENT DES HORAIRES est un levier qui nous semble indispensable durant cette période. Sans revoir notre temps de travail, le PRPA devrait demander systématiquement :
- l’étude des horaires variables. Ce sera indispensable dans tous les centres urbains à cause de leur impact sur les transports en commun mais cela peut aussi être utile dans d’autres centres ne serait-ce que pour étaler les flux aux entrées comme aux restaurants.
- d’envisager la mise en place d’horaires décalés pour les équipes de certaines installations afin de les utiliser au mieux tout en garantissant les distances pour des équipes en effectif réduit. Dans cette hypothèse, la concertation préalable des salariés concernés et la consultation des IRP garantiraient les aménagements.
- d’étudier dans le cadre de ces horaires variables et décalés, l’opportunité d’effectuer du télétravail partiel de façon à limiter l’amplitude horaire en présentiel sur site.
La reprise professionnelle sera souvent assortie de contraintes personnelles (garde d’enfants, horaires et conditions d’accueil dans les écoles, salarié à risque ou ayant une personne à risque dans son foyer…). Une attention particulière devra être portée à ces personnels, pour que ce ne soit pas une source supplémentaire d’inquiétude ou d’anxiété pour eux. Les conditions de reprise doivent être flexibles et personnalisées
MESURES DE PROTECTION INDIVIDUELLE
Les règles sanitaires décrivent la mise en pratique des gestes barrières et des moyens de protection. Il est de la responsabilité des salariés de les appliquer. Il est de la responsabilité de l’employeur de s’assurer que tous les moyens sont mis en œuvre et à disposition des salariés.
La première règle en est la distanciation physique, toutefois il reste des doutes entre le mètre d’écart et les 4m2 (potentiellement 2m d’écart).
Cette définition conditionne pourtant tous les aménagements des postes, comme les jauges pour les salles communes (réunion, restaurant) et mériterait une large diffusion car sur ce point comme bien d’autres, la doctrine est évolutive. En ce sens les élus considèrent que la distance de 1 m est une distance minimale alors que le 2 m doit être considéré comme une distance nominale avec marge. C’est donc elle qui devrait être considérée pour les postes de travail et la restauration.
En cas de franchissement de cette limite, le port du masque est obligatoire. Ce sera très fréquent lors de tous les déplacements des salariés et nous arriverons probablement à une pratique de port du masque en continu (le suivi des premières semaines nous le confirmera). Le centre de Grenoble le préconise même pour les personnes seules dans leur bureau du fait des interactions imprévues ou de la contamination surfacique. Les élus ont compris qu’il s’agissait forcément d’un masque de type chirurgical fourni par le CEA. Ils doivent donc être en nombre suffisants (jusqu’à trois par jour pour permettre le changement toutes les 4h et pour assurer un retrait imposé du masque notamment pour la pause repas). Les stocks de masques annoncés permettent de couvrir cette utilisation… encore faut-il que les mises à disposition soient bien organisées et le nombre de masques adapté à chaque poste de travail.
Le lavage fréquent des mains s’ajoute bien évidement à ces mesures barrière et du gel hydroalcoolique sera à disposition dans tous les lieux qui ne disposent pas d’un point d’eau.
L’ensemble des mesures semble cohérent, mais les élus rappellent que recevoir un livret d’accueil n’équivaut pas à comprendre et bien appliquer tous les gestes et consignes. Il nous faut multiplier les actions pour nous assurer que la démarche est bien adaptée. Cela passe par un accueil et une sensibilisation personnalisée (les élus demandent que cette action soit tracée). Cela nécessite surtout un suivi constant. Pour cela la direction doit associer les Représentants du Personnel, comme tous les salariés, nous y reviendrons.
Il nous reste des interrogations sur le positionnement de nos SST. Une ordonnance prévoyait de les placer au centre du dispositif sanitaire par la gestion des Arrêts de Travail et les tests immédiats. Les décrets correspondants ne sont toujours pas publiés. Si les tests sont même interdits aux employeurs, ils ne peuvent pas l’être pour un médecin prescripteur. Sans action sur la détection et l’isolement, deux des piliers de notre stratégie nationale contre l’épidémie, nos moyens semblent trop limités. Les élus demandent une clarification du positionnement de notre médecine du travail. Elle devrait piloter la centralisation de toutes les déclarations de symptômes voire le pilotage de leurs suites (suivi des tests nécessaires, des quatorzaines, des retours…)
Les principales réserves qui nous reviennent des centres
Tous les CSE se sont impliqués dans le dialogue pour préparer cette consultation. Six d’entre eux ont émis un avis motivé… ce qui est une première et illustre leur mobilisation face au caractère exceptionnel de la situation. Leurs avis comportaient des réserves mais seul le CSE de Cadarache s’est opposé au PRPA.
Nous avons essayé de relayer, de généraliser et de synthétiser leurs principales réserves dans l’avis du Comité National.
Les élus vous alertent sur le fait que sur certains centres l’accueil de la restauration a été transféré entièrement dans les installations qui ne disposent pas toujours de suffisamment de bureaux pour la prise des repas fournis à emporter par les sociétés de restauration, ainsi que pour assurer un minimum d’hygiène compatible de la prise de ces repas.
C’est pourquoi, les élus du Comité National demandent la plus grande vigilance sur la cohérence des adaptations locales.
PREVENTION DES RISQUES PSYCHOSOCIAUX
Les salariés ont subi pendant ces deux mois une situation pouvant être pénible. Entre les inquiétudes, la charge émotionnelle et pour certains la fatigue psychologique le temps du retour est un moment clé. Il faudra des temps d’échange individuel et collectif pour s’assurer de la santé de chacun. La surcharge de travail au retour et les risques de pathologie d’épuisement professionnel seront plus présents avec ce passif notamment dans la population des télétravailleurs.
Il faudra également prévenir d’inévitables tensions entre les salariés (agacement vis-à-vis des nouvelles situations de travail, modification des objectifs, respect omniprésent des gestes barrière…).
Les élus demandent la réunion des comités de prévention des RPS. Pour bon nombre de CSE, ce sera l’occasion de les activer mais ils doivent mener une politique de retour d’expérience et une campagne active de prévention. La mise en place d’une enquête post confinement nous semble nécessaire, avec a minima un objectif d’évaluer le niveau de stress de chacun et son vécu en fonction de l’évolution de la situation (difficulté en télétravail, crainte du retour, etc.).
ACCOMPAGNEMENT DU DECONFINEMENT
Nous avons vu que les CSE s’étaient fortement impliqués. Heureusement, car cela ne faisait pas partie des principes généraux…
Le suivi de la concrétisation des mesures sur le terrain comme de la progressivité du plan est une des clés de la réussite de la démarche. Les visites des CSSCT, comme la multiplication des séances permettent les échanges d’information et les débats indispensables pour prendre la mesure de la situation et de ces implications jusqu’au plus concrètes. Ce rythme plus soutenu doit encore perdurer. Les élus demandent que ce principe de suivi des CSE apparaisse explicitement dans le PRPA.
Dans le cadre de ces réunions, les élus demandent la mise en place d’indicateurs de pilotage de la reprise permettant de suivre les aspects sanitaires (cas avérés, cas contacts, salariés en quatorzaine, stocks de masques,..). Ces indicateurs seraient évoqués chaque semaine en CSE. Ces mêmes indicateurs seront compilés et présentés à chaque séance du Comité National à venir.
L’adhésion des salariés aux mesures imposées est une autre clé de la réussite de notre vie professionnelle en coexistence avec la circulation du virus. Toutes les mesures sont les bienvenues, mais nous avons noté la pratique des boites de suggestion pour optimiser au plus vite des aménagements ou des organisations, ainsi que la diffusion directe et rapide aux salariés de toute bonne pratique qui ressortirait du retour d’expérience (site dédié, courriel régulier…).
CONSEQUENCES DU COVID-19 SUR LES PROGRAMMES
Nous l’avons déjà mentionné, mais nous insistons, les PRPA ne sont que le début du déconfinement. Le CEA va devoir adapter ses activités en conditions dégradées pendant toute la durée de l’épidémie.
Il faut reprogrammer les attendus sur les programmes dans un calendrier prenant en compte les retours partiels des salariés et les ressources disponibles tout en collectant les informations sur les conséquences économiques du confinement et de la reprise partielle.
De nombreuses réunions avec les tutelles et les partenaires seront nécessaires pour définir un nouvel échelonnement des programmes. Tout cela devrait nous permettre d’envisager une révision profonde, post COVID de nos PMLT, civil comme à la DAM. Ce rééchelonnement doit tenir compte à la fois des deux mois de mise en veille mais aussi des conditions de reprise qui ne sauraient permettent la même efficacité que ce qu’elles étaient auparavant. C’est particulièrement important à la DAM qui a des jalons officiels.
Les élus demandent la mise en place d’une commission nationale de suivi du déconfinement et de la reprise d’activité (ou le nombre de réunions nécessaires à l’instruction de ces sujets par la CEEIAL) et soutiennent les demandes effectuées localement en ce sens dans certains CSE. L’objectif de cette commission sera de prendre en compte les conséquences sanitaires, économiques et sociales du déconfinement et de préparer les débats en comité national.
Ce REX reviendra probablement sur l’éloignement temporaire des élus au début de la crise. Une association plus étroite, par une commission à imaginer, nous semble nécessaire dans ces situations où chaque salarié doit être conforter sur le lien social au CEA.
Ce REX reviendra probablement sur les enjeux de patrimoines et d’aménagements des bâtiments.
Le CEA a entrepris une centralisation de son plan d’investissement de notre patrimoine immobilier. Ce plan devra être révisé à la lumière de la crise sanitaire actuelle. Il conviendra d’aborder notamment :
- Les aménagements des opens spaces, voire même leur existence
- La déconcentration du personnel dans les bâtiments en privilégiant les bureaux individuels (ce qui amène peut-être à renoncer à certaines déconstructions)
- La multiplication des salles de restauration de taille raisonnables
CONCLUSION
Avec les réserves et les demandes complémentaires exprimées dans cet avis, les élus du Comité National approuvent le projet de Plan de Reprise proposé par la direction générale et insistent sur la condition nécessaire d’impliquer les CSE dans le suivi de la progressivité du plan.